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Projet de loi 31-18 relative aux sociétés civiles immobilières : objectif de transparence

Approuvé par le Conseil du gouvernement le jeudi 06 septembre 2018, le projet de loi 31-18 apporte des modifications importantes au statut des sociétés civiles immobilières.

Régies actuellement par les règles de droit commun[1], les sociétés civiles immobilières seront, en vertu de ce projet de loi, contraintes à plus de transparence.

A l’heure actuelle, aucune règle juridique spécifique ne préside à la création des sociétés civiles immobilières (SCI) : une simple signature de statuts suffit. A moins de posséder un bien immeuble et leur inscription incidente à la Conservation foncière, les SCI ne sont référencées nulle part. Cette absence de traçabilité entretient l’opacité de leurs activités et favorise les transactions immobilières frauduleuses. En effet, aucune procédure ni vérifications ne permettent aujourd’hui de vérifier l’authenticité des actes réalisés par les SCI ou celle de l’identité de leurs gérants. De ce fait, elles sont utilisées en tant que véhicule intermédiaire facilitant les falsifications, la spoliation immobilière et la dissimulation du patrimoine foncier.

Afin de pallier ce vide juridique, le projet de loi (i) précise et encadre les modalités de création et d’immatriculation des sociétés civiles immobilières  et (ii) règlemente les modalités de l’octroi des procurations relatives aux droits réels.

RENFORCEMENT DE LA TRANCABILITE DES SCI

Mentions obligatoires des statuts de la SCI.—  Le projet de loi modifie l’article 987 du Dahir des Obligations et des Contrats en précisant que toute société immobilière ou ayant pour objet des biens qu’il est possible d’hypothéquer doit être institué par un acte de constitution établi par écrit. En effet, il est prévu que les statuts d’une société civile immobilière doivent contenir certaines mentions obligatoires[2], au nombre desquelles : (i) les nom, prénom et adresse de tous les associés et en cas de personne morale, la raison sociale et le siège social ainsi que les nom, prénom et adresse de son représentant légal ; (ii) la dénomination sociale ; (iii) le siège social ; (iv) e montant du capital social ; (v) la part de chaque associé dans le capital ; (vi) la durée de la société ; (vii) les nom, prénom du/des associé(s) ou du/des tiers auxquels la gestion sociale est confiée et (viii) la signature légalisée de tous les associés.

Immatriculation des SCI.— Ensuite, le projet de loi instaure la création d’un registre des SCI auprès du Tribunal de première instance du lieu de situation du siège de la société et l’obligation pour celles-ci et le cas échéant, leurs filiales, d’y être immatriculées[3]. Pour les sociétés immobilières déjà inscrites au registre du commerce, leur transfert au registre susmentionné se fera automatiquement dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi[4].

La SCI ainsi immatriculée, acquiert la personnalité morale et ce, par exception aux dispositions de l’article 994 du Dahir des Obligations et des Contrats. De même, son existence n’est opposable aux tiers qu’à dater de cette immatriculation.

La demande d’immatriculation doit être déposée au secrétariat greffe du TPI du lieu de situation du siège de la société et ce, sous le contrôle du président du tribunal ou tout magistrat mandaté par lui à cet effet.

Transformation en société commerciale.— En outre, le projet de loi  prévoit l’obligation pour la société civile immobilière de se transformer en une société commerciale s’il est prouvé qu’elle réalise de manière habituelle des actes de commerce.

A défaut pour la société d’observer cette obligation, le président du secrétariat greffe du Tribunal de première instance compétent peut envoyer directement, ou suite à sa notification par le biais du Conservateur foncier ou du représentant de l’administration fiscale ou de la Trésorerie Générale du Royaume, une mise en demeure au représentant légal de la société afin de procéder à sa transformation et ce, dans un délai de six mois à compter de la date de la notification de la mise en demeure susmentionnée. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la dissolution de la société. Cette dernière est prononcée par le Tribunal de première instance sur demande du président du secrétariat greffe. Il s’ensuit alors la liquidation de la société.

Plus généralement, tout litige relatif à cette obligation est de la compétence du président du tribunal.

CREATION D’UN REGISTRE NATIONAL DES PROCURATIONS

Dans le même objectif de transparence, les dispositions du projet de loi permettent de compléter et de renforcer la protection mise en place par la loi 69-16[5] complétant l’article 4 de la loi 39-08[6] relative aux droits réels. En effet, la loi suscitée a rajouté la procuration relative aux droits réels parmi les actes devant obligatoirement être rédigés sous la forme authentique et ce, sous peine de nullité. Cela implique l’intervention de professionnels du droit habilités à établir de tels actes à savoir : les notaires, les adouls et les avocats agréés près la Cour de cassation.

Dans cet esprit, le projet de loi 31-18 va plus loin et instaure un registre des procurations relatives aux droits réels[7]. Ainsi, toute personne souhaitant donner procuration à autrui en vertu de l’accomplissement d’un acte relatif au transfert de propriété, création, modification ou suppression de droits réels devra inscrire la procuration au registre susmentionné, lequel est tenu par le secrétariat greffe du Tribunal de première instance du lieu de rédaction de la procuration et ce, sous le contrôle du président dudit tribunal ou le magistrat mandaté par lui à cet effet. La procuration ne produit ses effets qu’à compter de son enregistrement au registre des procurations relatives aux droits réels.

Ce dernier sera administré par le président du tribunal ou tout autre magistrat nommé par lui. Une fois la transaction objet de la procuration établie, le mandant devra en informer le Tribunal de première instance.

Cependant, si cette disposition apporte plus de transparence, elle complique davantage les démarches pour les marocains résidant à l’étranger. En effet, ces derniers sont soumis à la même obligation et ils devront également faire enregistrer les procurations établies au  registre national des procurations du Tribunal de première instance du lieu de situation du bien immeuble objet de la transaction ou, à défaut, au niveau du Tribunal de première instance de Rabat.

[1] Dahir des Obligations et des Contrats du 12 août 1913.

[2] Article 2 du projet de loi modifiant et complétant l’article 987 du Dahir des Obligations et des Contrats.

 

[3] Article 2 du projet de loi modifiant et complétant l’article 987 du Dahir des Obligations et des Contrats.

[4] Article 3 du projet de loi.

[5] Dahir n° 1-17-50 du 30 août 2017, publié au B.O du 14 septembre 2017, n°6604

[6] Dahir n°1-11-178 du 22 novembre 2011 portant promulgation de la loi 39-08 portant code des droits réels.

[7] Article 2 du projet de loi modifiant et complétant l’article 889 du Dahir des Obligations et des Contrats.

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